mercredi 3 mars 2010

L'instant t (2)

Entre essai et poésie. Comment les personnages, golems de sens et de chair textuelle sortent des limbes, s'extraient de leur gangue, et poussent la porte intime de l'imaginaire de l'écrivain.

Extrait :

« Un jour, ils sont là. Un jour, sans aucun souci de l’heure. On ne sait pas d’où ils viennent, ni pourquoi ni comment ils sont entrés. Ils entrent toujours ainsi, à l’improviste et par effraction. Et cela sans faire de bruit, sans dégâts apparents. Ils ont une stupéfiante discrétion de passe-muraille.

Ils : les personnages.

On ignore tout d’eux, mais d’emblée on sent qu’ils vont durablement imposer leur présence. Et on aura beau feindre n’avoir rien remarqué, tenter de les décourager en les négligeant, voire en se moquant d’eux, ils resteront là.
Là, en nous, derrière l’os du front, ainsi qu’une peinture rupestre au fond d’une grotte, nimbée d’obscurité. Une peinture en grisaille, mais bientôt obsédante.
Là, à la frontière entre le rêve et la veille, au seuil de la conscience. Et ils brouillent cette mince frontière, la traversent continuellement avec l’agilité d’un contrebandier, la déplaçant, la distordant.
Là, plantés sur ce seuil mouvant avec la violence immobile et mutique d’un mendiant qui a jeté sur vous son dévolu et qui ne partira pas avant d’avoir obtenu ce qu’il veut. »
Sylvie Germain.


Sujet qui résonne d'autant plus en moi que je viens de l'aborder dans un texte d'album, illustré par Jean-Michel Payet (l'un des mes joyeux complices des Blue Cerises) et qui paraîtra dans quelques mois aux éditions Milan :
M. Adam, ou comment naissent les histoires.

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